«Nous sommes toutes et tous à un stade plus ou moins avancé du burn out»

La charge psychique au travail peut à la longue avoir des répercussions négatives sur la motivation et la performance. Promotion Santé Suisse estime qu’en 2022, le Job Stress Index se situe dans la zone critique chez un tiers des personnes actives. Expert en prévention chez SWICA, Dominic Trösch nous explique quelles mesures prendre et comment désamorcer une situation tendue.

Monsieur Trösch, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est exactement un burn out?

Le burn out est un processus qui se met en place quand il y a un épuisement professionnel sur une longue période. Nous sommes toutes et tous à un stade plus ou moins avancé du burn out. Un exemple pour mieux comprendre: quand une personne est surmenée au travail, elle passe moins de temps à entretenir ses amitiés car elle préfère consacrer son temps libre au repos et n’a plus d’énergie pour faire autre chose. Dès lors que sa pile de travail diminue, elle reprend un rythme plus régulier. La situation devient critique quand l’exposition au stress dure longtemps et que cette épreuve semble interminable et inextricable. Elle peut même donner lieu à des remises en question.

Comment ce processus se met-il en place?

La limite du supportable et la gestion du stress varient d’une personne à l’autre. On distingue sur le principe cinq phases dans la mise en place d’un burn out:

1. Durant la première phase, la personne est très impliquée dans son travail. Elle travaille sans cesse et ne se ménage pas. C’est à cette période qu’elle se met à dévaloriser ses collègues et qu’elle a le sentiment de devoir tout faire toute seule. Son travail passe avant tout et ses besoins personnels sont relayés au second plan.

2. Lorsqu’elle franchit la deuxième étape, elle perd le contrôle de la situation et se laisse gagner par l’incertitude. Tout lui semble insurmontable. Elle a du mal à se concentrer et à focaliser son attention. Elle néglige de plus en plus sa vie privée et manque de motivation et de créativité dans son travail. Elle fait la grève du zèle.

3. Il y a un nivellement par le bas: la personne fonctionne au ralenti. Elle se désintéresse et se désengage de tout. Elle évite les contacts sociaux et n’a progressivement plus qu’un seul référent dans son entourage proche. Recharger ses batteries lui est devenu impossible. Les week-ends et pendant les vacances, elle ne parvient plus à se déconnecter et finit même par les trouver pesants. À ce stade, elle fuit la réalité en consommant des substances addictives dont elle abuse.

4. À force, son état émotionnel finit par avoir des conséquences sur son organisme. On a franchi la prochaine étape. La personne tombe plus facilement et plus fréquemment malade. Il lui arrive régulièrement d’avoir des maux de tête, de dos, aux cervicales ou aux articulations, de souffrir de troubles digestifs ou d’insomnies.

5. Envahie par le doute existentiel et le sentiment d’être inutile, elle est incapable d’éprouver la moindre joie à ce stade. Elle pense que sa vie n’a plus de sens. Des pensées suicidaires lui traversent l’esprit. Un passage à l’acte n’est pas impossible dans le pire des cas.

Les personnes plus susceptibles de faire un burn out présentent-elles certains traits de caractère?

Aucun trait de caractère ne prédispose à faire un burn out. Une soif de performance prononcée peut certainement être un élément déclencheur. Cette inclination peut être liée à la personnalité de chacune et chacun mais elle dépend souvent aussi de sa place dans le travail et dans la vie. Les circonstances dans lesquelles la personne se trouve l’empêchent de faire autre chose que de simplement fonctionner. Il faut néanmoins accorder une attention particulière aux facteurs de risque.

Qu’entend-on par facteurs de risque?

Surcharge de travail, contrainte de temps, objectifs irréalistes sont autant de facteurs qui peuvent déclencher un épuisement professionnel. Il y a aussi le manque de reconnaissance, l’absence de limite claire entre le travail et la sphère privée et le manque d’autonomie laissée à la personne dans l’aménagement de son travail. Ces facteurs ne doivent pas être sous-estimés car ils peuvent avoir des répercussions sur la santé psychique.

«Un burn out se soigne et qu’il ne constitue en aucune manière un échec personnel ou un manque de volonté.» Dominic Trösch, Spécialiste Gestion de la prévention chez SWICA

À quoi puis-je savoir qu’une personne fait un burn out dans mon équipe?

Il est très difficile de détecter les cas d’épuisement professionnel parce que la plupart du temps, ils finissent par s’aggraver dans la vie privée. Par le manque d’entrain, les contacts sociaux, les centres d’intérêt et, plus généralement, les sources d’énergie ne sont plus sollicités. L’énergie de la personne baisse encore davantage alors que son épuisement va croissant. Elle se dirige tout droit vers un burn out.

Quelle attitude puis-je adopter pour venir en aide à une ou un collègue de travail en souffrance?

Lors des formations que je donne sur la résilience et le burn out, j’aime répéter qu’il faut chercher le dialogue! L’être humain a besoin d’interactions sociales. Pour nous toutes et nous tous, le contact social présente un potentiel énorme pour réduire le stress et avoir un effet prophylactique sur le burn out. Les conversations informelles, pendant les pauses notamment, peuvent donner l’occasion de sonder le moral d’une ou d’un collègue de travail. Les supérieures et supérieurs hiérarchiques peuvent aussi utiliser cette méthode. Dès qu’un membre de l’équipe semble déprimé et résigné, alors qu’il ne manquait habituellement jamais de raconter ce qu’il avait fait le week-end, il faut tirer la sonnette d’alarme. Face à une telle situation, je recommande de questionner la personne, mais cela demande une relation de confiance avec l’autre. La décision d’accepter ou de refuser l’aide d’autrui lui revient toujours en dernier lieu, car le burn out reste associé à un sentiment de peur et de honte. Beaucoup de personnes redoutent d’être prises pour des lâches ou de perdre leur emploi si elles se confient sur leur mal-être.

Que dois-je faire si je présente les signes d’un burn out?

En premier lieu, il n’y a pas de honte à se sentir surmené. Il faut commencer par fixer des priorités et placer sa propre santé mentale au premier plan. Cela demande de prendre de la distance avec la situation. On peut pour cela partir en vacances, s’accorder un peu de repos ou, autre possibilité, refuser du travail. Il faut aussi chercher à parler de la situation avec une supérieure ou un supérieur hiérarchique, qui, une fois informé, pourra répartir différemment le travail et déléguer certaines tâches. Des séances de coaching ou de psychothérapie sont également envisageables. De nombreuses entreprises font appel par ailleurs à la gestion de la santé en entreprise (GSE) pour leur personnel. Les personnes assurées chez SWICA ont la possibilité de profiter de la consultation psychologique-psychiatrique de santé24 et de se faire accompagner. Les cabinets médicaux sont aussi de bon conseil pour parler du sujet.

Si la surcharge de travail est un problème durable et récurrent, une question doit se poser: l’emploi occupé est-il adapté? Une personne qui ne parvient pas à accomplir toutes les tâches qui lui sont octroyées doit peut-être se demander si ce poste lui correspond. Les personnes qui ont déjà traversé un burn out doivent quant à elles s’interroger s’il est sensé de reprendre au même poste.

Pour conclure, il faut retenir qu’un burn out se soigne et qu’il ne constitue en aucune manière un échec personnel ou un manque de volonté. Ce sont souvent bien au contraire les personnes très engagées et motivées qui sont touchées.

31.10.2022

Promotion Santé Suisse

Étude «Job Stress Index»

En collaboration avec l’Université de Berne et la Haute école zurichoise de sciences appliquées (ZHAW), Promotion Santé Suisse effectue régulièrement des enquêtes pour déterminer dans quelle mesure le stress lié au travail se répercute sur la santé et la productivité de la population active suisse.

La précédente enquête menée en 2014 a révélé que pour un quart des personnes actives, les contraintes étaient supérieures aux ressources personnelles. Cette proportion a augmenté puisqu’il ressort de l’enquête de 2022 qu’un tiers des personnes actives (ou 28,2 %) se trouve maintenant dans la zone critique du Job Stress Index.

(Source: Promotion Santé Suisse, 2022)

Challenge sur le burn out dans l'application BENEVITA

Pour en savoir plus sur le thème du burn out, il y a également le challenge correspondant dans l'application BENEVITA, que même les personnes non assurées chez SWICA peuvent télécharger gratuitement.

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