Bien-être: santé mentale
Comment l’humour influence-t-il notre santé?

Le dictionnaire Le Petit Robert définit l’humour comme une forme d’esprit qui consiste à dégager les aspects plaisants et insolites de la réalité, avec un certain détachement. «À cet égard, la Suisse a encore beaucoup de progrès à faire», déclare la docteure Cornelia Eck, directrice de Marketagent Schweiz. L’institut d’études de marché et d’opinion a exploré le rapport du peuple suisse à l’humour dans un sondage en ligne. «Presque une personne sur deux trouve que ses compatriotes n’ont pas beaucoup d’humour, voire pas du tout», ajoute Cornelia Eck.

Il n’est donc pas étonnant que 78 % du peuple suisse (surtout de la tranche d’âge 20-29 ans) souhaite plus d’humour dans sa vie. Au travail en particulier, la population aimerait parfois que les choses soient un peu plus drôles. «Le plus grand potentiel d’humour est à portée de main: il se trouve dans notre quotidien. Si l’on en croit les résultats de notre sondage, c’est avant tout le comique de situation (59 %), mais aussi les jeux de mots et le sarcasme (respectivement 55 %) qui nous font rire. La moitié de la population (en particulier les hommes) apprécie aussi l’humour noir», résume Cornelia Eck en dressant une synthèse de certains résultats.

Dans l’interview, la docteure Evelyn Mauch, neurologue et médecin-cheffe chez santé24, replace les résultats de l’étude dans un contexte médical.

Evelyn, on dit souvent que le rire est le meilleur des remèdes. D’après l’étude réalisée, le peuple suisse pense que l’humour exerce une influence positive sur la santé. Peut-on également prouver cet effet d’un point de vue médical?

En général, on constate que le rire permet au corps de se détendre. Le niveau de stress, et donc de cortisone, diminue tandis que le système immunitaire est stimulé. Cela est scientifiquement prouvé. Un autre effet positif: les défenses immunitaires des cellules augmentent. Par conséquent, le corps se défend mieux contre les agents infectieux. Si le stress est élevé, les défenses sont affaiblies.

Le rire et l’humour vont de pair, mais ne sont pas identiques. Que se passe-t-il dans le cerveau lorsque nous rions?

Un tas de choses, et le lobe frontal joue ici un rôle fondamental. Il fait en sorte que nous puissions voir le côté drôle d’une situation, mais veille aussi à ce que nous ne soyons pas désinhibés au point d’éclater de rire dans une situation qui ne s’y prête pas. Le système limbique, qui est le siège des émotions, joue lui aussi un rôle important. Ajoutons que le rire libère de la dopamine, un neurotransmetteur. La dopamine, généralement connue comme l’hormone du bonheur, stimule la communication entre les cellules nerveuses et peut déclencher des émotions positives.

Si le rire est une réaction physique, un réflexe que nous ne pouvons contrôler qu’en partie, l’humour peut aider à considérer des situations négatives sous un autre angle, davantage positif. En principe, on peut dire que l’humour est un élément cognitif qui nous permet de percevoir les choses comme étant drôles, en réponse à quoi le rire peut prendre le relais.

Pourquoi est-il bon pour la santé de rire et quels autres effets est-ce que cela produit sur le corps et l’esprit?

Rire est agréable et stimule notre centre émotionnel. Cela active de nombreux muscles faciaux et corporels, et agit comme un massage pour le cerveau. L’effet primordial reste cependant la réduction du stress entraînée par le rire: les endorphines libérées assurent la détente.

De plus, le rire a aussi un effet positif sur le cœur. Les vaisseaux se dilatent et la tension artérielle baisse. En cas de douleurs, le rire aide à se détendre: en riant même si l’on souffre, on est moins sensible à la douleur. Au sens plus large, le rire peut même avoir un impact positif sur le sommeil. En effet, rire souvent et se concentrer sur ce qui est drôle fait diminuer le niveau de stress et favorise la détente, d’où un meilleur sommeil. Enfin, le rire est tout simplement humain et crée des liens. Rire ensemble donne confiance et renforce les relations interpersonnelles.

Plus de la moitié des personnes interrogées qui aimeraient vraiment plus d’humour dans leur vie le souhaitent avant tout au travail (57 %) et en famille (52 %). Que penses-tu des thérapies par le rire contre la dépression?

En règle générale, une thérapie par le rire s’exerce en groupe. C’est pourquoi, là encore, les contacts sociaux sont sollicités. Cet aspect est particulièrement important, surtout pour les états dépressifs, qui s’accompagnent souvent d’une forte tendance à s’isoler. Contrairement aux groupes d’autogestion, avec une thérapie par le rire, ce n’est pas la souffrance qui rapproche, mais l’aspect amusant. Par ailleurs, les personnes qui optent pour cette forme de thérapie reçoivent de précieux outils pour leur quotidien ‒ sans aucun effet secondaire. On bénéficie ainsi du fait que le corps ne distingue pas vraiment le vrai rire du rire artificiel.

Que recommanderais-tu aux gens pour que l’humour soit davantage présent dans leur vie?

L’idéal serait de parvenir à une attitude de base où il suffit de peu pour rire. Au lieu de s’énerver au sujet de sottises, il faudrait se montrer sensible aux choses amusantes qui se produisent au quotidien. On peut par exemple décider de noter trois évènements drôles par jour. On porte alors automatiquement le regard sur les choses positives. Ou on intègre de manière consciente une dose d’humour dans son quotidien, par exemple en regardant son sketch préféré sur son téléphone pour commencer la journée.

De manière générale, de quoi notre cerveau a-t-il besoin pour rester en forme sur le long terme?

Le moins de stress possible, c’est fondamental. Il est vrai que le corps s’habitue à tout: chez quelqu’un qui a généralement un niveau de stress élevé, le corps finit par trouver cela normal avec le temps. Sur la durée cependant, un niveau de stress élevé constitue un gros facteur de risque pour le cœur et fait monter la tension. À son tour, une forte tension sur la durée peut être dangereuse pour le cerveau. En plus de la réduction du stress, un sommeil réparateur et le maintien de contacts sociaux et amicaux revêtent une grande importance pour la santé cérébrale. Sans oublier de s’intéresser à la vie et aux nouveautés!